samedi 27 octobre 2007

Jesse James is bigger than you can imagine...

Avec un brin de retard, je recommande chaleureusement à quiconque tombera sur ces lignes de se précipiter dans les salles pour voir The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford. Trois choses à évoquer:
- le choc esthétique. Photographiées par Roger Deakins (chef op’ attitré des frères Coen), les images sont d’une beauté à couper le souffle, et je pèse mes mots. Tout en lumière naturelle (comme chez Malick), nous avons ici une vraie symphonie de clairs-obscurs, de contre-jours, de couleurs d’automne, de contrastes entre paleur des visages et noirceur des costumes, d’aubes et de crépuscule, de nuits et de jours. Des images époustouflantes orchestrées par le très talentueux Andrew Dominik (dont c’est seulement le deuxième film). Le néo-zalandais prends son temps et impose son magnifique tempo, ses cadres précis…
- l’intelligence du scénario dans l’approche du personnage. Jesse James est un mythe et abordé comme tel. On ne raconte pas comment il vécut, mais comment il est mort. On n’explore pas le personnage, on l’évoque, on le raconte. Ses exploits et sa célébrité l’ont rendu paranoïaque et arrogant, las et fatigué. On parle de lui plus qu’on ne lui parle. On l’observe sans oser le juger… Ses acolytes sont balancés entre admiration et jalousie, amour et haine. Toute évocation de mythe exige un angle d’attaque, et celui choisi pour Jesse James, c’est son assassin Robert Ford, petite main aveuglée par le mythe, avide de reconnaissance et de gloire, qui sera poussé à commettre cet acte qui lui vaudra tout le contraire de ce qu’il espérait. Incarné à la perfection par Casey Affleck (OSCAR pour ce jeune homme, svp), ce Robert Ford est un des plus beaux personnages de cinéma de ces dernières années. C’est lui qui véhicule la majorité des thèmes, et c’est lui qui donne au drame tout son sens, notamment dans la dernière demi-heure, véritable miracle de cinéma à la beauté terrible. La force du script, des acteurs et des images nous plonge totalement dans l’exploration psychologique des personnages, jusque dans ses plus subtils détails, jusque dans les moindres recoins de cette sombre histoire.
- la B.O., signée Nick Cave et Warren Ellis. Sombre, envoûtante ou posée, la musique reste toujours minimaliste (piano, violon, basse, glockenspiel ou guitare alternent tour à tour solos et duos). Utilisée avec soin et soulignant parfaitement l’ambiance ou l’émotion du moment, on l’accueille toujours à bras ouverts. Frissons garantis. Possibilité de l’écouter en ligne sur le site français du film : http://wwws.warnerbros.fr/assassinationofjessejames/?frompromo=movies_comingsoon_assassination_jesse_james#/About/Synopsis

Voilà, ça dure 2h40 et c’est presque trop court. L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (quel beau titre) est bien plus qu'une réussite incontestable : c'est un classique instantané, c'est un film important. C'est splendide de bout en bout, somptueux et audacieux dans la forme, riche et passionnant dans le fond... A voir sur grand écran, impérativement. Nono, encore hanté par le film, met quatre étoiles.

lundi 22 octobre 2007

Vivre avec un chat

Si vous riez, ça sent le vécu! Comprenne qui pourra.

jeudi 11 octobre 2007

Steven, houppette et oranges bleues

Alors comme ça, Tintin n’a plus la cote. Les albums se vendent encore, paraît-il, mais nos petites têtes blondes ont d’autres héros, nommés Titeuf et autres crânes d’œuf. Le lectorat semble être passée à « de 27 à 97 ans ». C’est du moins cette tranche d’âge que le marketing Tintin vise, et particulièrement les collectionneurs plus ou moins fortunés et nostalgiques de leur héros d’enfance. Mais il reste toutefois un endroit où le reporter à houppette est attendu comme Godot depuis des lunes : la planète cinéma.
Ils sont loin, les longs métrages un peu fadasses réalisés au début des années 60 avec Jean-Pierre Talbot dans le rôle-titre, tous deux tirés de scénarios originaux. Si Tintin et le Mystère de la Toison d’Or avait son charme cocasse, la recette de Tintin et les Oranges Bleues n’avait pas pris (décidément), et a définitivement tiré une ligne claire sur les projets d’adaptation des aventures de Tintin au cinéma. Ont suivi alors deux dessins animés, Tintin et le temple du soleil (1969) et Tintin et le lac aux requins (1972), qui n’ont pas vraiment marqué l’histoire du cinéma ni la mémoire des tintinophiles.

Le rêve entretenu depuis lors, c’est l’adaptation des albums d’Hergé. Reprendre ses si bonnes histoires au cinéma, avec des moyens, avec du talent. Certains (dont Jaco Van Dormael) s’y sont attaqués, sans succès… Jusqu’à ce que les droits atterrissent un jour dans les mains de Spielberg, qui a promis de ressusciter Tintin sur grand écran. En gestation ou en attente depuis des lustres, le projet trouve enfin concrétisation. Chose promise, chose due, Tintin est sur les premiers rails: le scénario est à l’écriture, et il y a trois films en chantier ! Le premier, réalisé par Steven lui-même, est prévu pour 2009. Enfin une date… Pourquoi autant de temps ? Si Spielberg a mis des plombes à programmer Tintin à son agenda, ce n’est pas sans raison. Ennuis avec la maison Moulinsart ? Evidemment. Problèmes de production, de scénario ? Sûrement. Mais aussi problème de support. Le live action semble aujourd’hui, et plus que jamais, une option peu convaincante pour donner vie, voix et mouvement à Tintin. Impensable, pour tout dire. Du dessin animé 2D pour respecter la ligne claire ? Ca a déjà été fait et, surtout, ce n’est plus rentable – sauf pour Les Simpsons. A l’heure des avancées technologiques de plus en plus poussées, le compromis semble avoir été trouvé : Spielberg vient de confirmer, aux journalistes venus lui faire un petit coucou sur le plateau de Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull, que Tintin sera tourné en performance capture. Cette technique, utilisée à la base au service d’effets spéciaux, consiste à « capturer » numériquement la performance d’acteurs recouverts de capteurs, de la tête aux pieds, des sourcils aux zygomatiques… Créatures et personnages – de synthèse – sont ainsi animés non plus « image par image », mais bien par des mouvements d’acteurs réels. Ainsi sont nés Gollum dans Le Seigneur des Anneaux, mais aussi King Kong. Peter Jackson, homme ayant déjà triomphé avec une oeuvre « inadaptable », sera d’ailleurs le collaborateur privilégié de Spielberg pour Tintin (qui pourrait ainsi être « tourné » en Nouvelle-Zélande). Robert Zemeckis, cinéaste passionné par les effets spéciaux et les découvertes technologiques (on lui doit notamment Roger Rabbit, les Retour vers le Futur, Forrest Gump…) fut le premier à réaliser un long-métrage entièrement en performance capture: Le Polar Express, un conte pour Noël marshmallow dont on retiendra davantage la démonstration technologique plutôt que la mièvrerie de son histoire. Il tente de redresser la barre avec Beowulf, qui sortira ici le 21 novembre (bande annonce ici: http://www.apple.com/trailers/paramount/beowulf/trailer2/large.html) Avant ça, Zemeckis a également produit, avec Spielberg, le charmant Monster House, qui mêlait, outre son excellent scénario, l’esthétique « traditionnelle » des films en images de synthèse et la technologie du performance capture, qui offrait une réelle vitalité aux mouvements des personnages (bande-annonce ici: http://www.youtube.com/watch?v=qEaT6fNGOHw). Si cette technique en séduit plus d’un (James Cameron l’utilisera pour son prochain film), d’autres s’en moquent : au générique de fin de Ratatouille, dernier chef-d’œuvre des Studios Pixar, on peut y lire "Our Quality Assurance Guarantee: 100% Genuine Animation! No motion capture or any other performance shortcuts were used in the production of this film." Un petite pique qui ne manque pas d'humour...
Quoiqu’on en pense, la technique est neuve, et on espère pouvoir compter sur l’intelligence et le bon sens de Spielberg et Jackson pour l’utiliser à bon escient. Outre l’identité des albums élus (Le diptyque Boules de Cristal/Temple du Soleil ? Rackham le Rouge/Secret de la Licorne ?), une autre question pend désormais aux yeux de tous : quel résultat esthétique ? Plutôt « cartoonesque » à la Monster House ou plutôt « réaliste » à la Beowulf ? Peut-être qu’un autre compromis – à la belge – nous apportera la réponse. Mais pour cela, c’est bien connu, il faudra se montrer patient.