dimanche 31 mai 2009

Appassionato

Petit souvenir d'enfance. Chaque année, le deux- ou troisième dimanche de septembre, c'était la réunion d'unité pour commencer la nouvelle année. Après le grand rassemblement et ses interminables cris de sizaines et patrouilles, et avant les activités « de passage », toute l’unité passait obligatoirement par la case « messe », donnée par le Père Devos et le Père Jacques, l’inoubliable Pélican Impérial. Chaque année, cela se passait au même endroit. Pour la messe, les centaines de scouts, louveteaux et baladins étaient bravement assis dans l’herbe ou sur ses graviers rouges. Chaque année, on chantait toujours ces mêmes chants, avec un entrain forcé. Puis, pendant quelques années – je devais être aîné louveteau ou jeune scout – un petit bonhomme est venu casser la triste monotonie de cette messe. Haut comme trois pommes, 5-6 ans à tout casser, il jouait des petits airs de violon, à l’Offertoire ou pendant la Communion. Son frère l’accompagnait parfois à la flûte traversière. Sensible à la musique classique depuis toujours, je tendais l’oreille vers ce petit musicien en herbe, ignorant les petits graviers lancés par mes petits camarades qui ne trouvaient rien d’autre à faire pour faire passer le temps. Ce petit garçon s’appelait Lorenzo Gatto.
Quinze ans plus tard, Lorenzo gagne le deuxième prix du Concours Reine Elisabeth. Quelle joie de le voir atteindre une si haute place dans ce prestigieux concours – l’un des plus importants du monde. Le public a hurlé sa joie. Mon père, assoupi dans le canapé, s’est réveillé juste à temps. Lorenzo Gatto, le seul finaliste belge, était un des chouchous de la session, moins par élan patriotique (voire mondain) que par admiration pour son prodigieux talent de musicien. Sa prestation, mardi soir, était vraiment sublime. Lors de son concerto de Paganini, un choix pas évident, il a su étaler toute sa virtuosité technique, époustouflante et irréprochable. Avec verve, panache et élégance. Mais c’est lors de sa sonate d’Enescu que je fus le plus impressionné. Les critiques musicaux en parlent mieux que moi – difficile de mettre des mots sur un tel envoûtement. Même s’il a encore beaucoup de choses à apprendre, la maturité musicale dont il a fait preuve n’a trompé personne. Ce beau moment sera certainement sur le coffret CD souvenir du concours – qui coûte toujours la peau des fesses, cela dit en passant.
Cela fait maintenant quelques années que j’affectionne tout particulièrement le Reine Elisabeth. Ma préférence reste les années piano, mais c’est tout aussi passionnant en violon ou en chant. Comme tout concours musical, c’est une compétition, mais on y parle d’art. Il va de soi que le Premier Prix est celui que tout le monde attend, surtout quand un compatriote est en finale, mais l’intérêt majeur reste et restera toujours la musique. Combien d’œuvres magnifiques n’ai-je pas découvertes grâce à ce concours ! Et puis c’est toujours fascinant de voir ce pot-pourri de jeunes musiciens venus des quatre coins du monde (enfin, surtout d’Asie…) pour démontrer leur virtuosité. Ray Chen, passé en dernier mais Premier Prix (tiens, ça arrive souvent, ça) de ce Violon 2009, a fait l’unanimité. Son récital fut extraordinaire, à coupe le souffle. Ce qu’il a réussi à transmettre lors de son concerto de Tchaïkovski, avec une aisance presque insolente, c’est cette joie de la musique, cette lumière qui illumine nos âmes. Musicalité, virtuosité, luminosité, maturité, spontanéité. Autant de qualités pour un petit bonhomme de… 20 ans à peine.
Comme je le disais, c’est difficile de parler de musique. Nous (moi), spectateur plus ou moins lambda, je kiffe plus ou moins telle ou telle œuvre, et j’essaie de retrouver mes perceptions dans les analyses des journalistes, qui sot d’ailleurs souvent très différentes. J’envie ces experts mélomanes, qui arrivent non seulement à mettre des mots sur ce qu’ils ressentent, mais aussi à aiguiser leur oreille critique. Certes, quand j’écoute deux fois de suite le Tchaïkovski, comme c’était le cas hier soir, j’arrive de justesse à donner ma préférence à l’un ou à l’autre, mais ça s’arrête là. Et puis, il faut bien connaître les œuvres. Lundi, quand on y est allé, je découvrais le Schostakovich – terriiiible – et jamais je n’aurais pu remarquer que la jeune coréenne c’était trompée d’aiguillage. Vif comme l’éclair, le chef tend pendant trois secondes quatre doigts en l’air, ce qui veut dire « on reprend le 4ème mouvement ! » Et hop, en deux temps trois mouvements, c’est reparti… Assez pour trembler encore plus pour le soliste, qui se dit que c’est sans doute que c’est cuit pour lui.
Quelle épreuve… Après un mois d’éliminatoires et de demi-finales, le programme de finale doit peser bien lourd : la sonate, puis l’imposé (cette année, il était particulièrement difficile et… long !), puis encore un concerto, censé être l’apothéose. Malgré les litres de sueur parfois déversés, il est difficile d’imaginer à quel point les finalistes doivent être exténués après ça. C’est la première chose que Lorenzo, interviewé après sa prestation, évoquait : sa fatigue. Le lendemain, il partait avec des amis se reposer en Bretagne. Sans violon.



Bon, on va voir un peu ce qui se passe à Roland Garros ici… *ah, on me dit que Christophe Rochus n’a rien pu faire conre Tsonga*
Pour teminer, quelques films:

- Tokyo Sonata, de Kiyoshi Kurosawa. L'histoire d'une famille ordinaire où chacun perd ses repères. Le père perd son emploi et le cache par honte, le fils prend des leçons de piano en cachette car le père le lui interdit, le grand frère veut s'engager dans l'armée américaine, la mère fait ce qu'elle peut pour garder unie la cellule familiale. La première heure témoigne d'une vrai talent de mise en scène et de tact. Mais dans les trois derniers quarts d'heure, les trajectoires des personnages semblent sont peu convaincantes et larguent le spectateur devant la simple beauté des cadrages et de la lumière. Hors du film. On se retrouve alors à flanquer au film le label "BMC" (beau mais chiant), que la scène de fin, faussement belle, n'arrivera pas à enlever. Dommage.

- Los abrazos rotos (Etreintes Brisées), de Pedro Almodovar. Une déception. Je garde toujours une certaine admiration pour la manière dont Pedro construit ses scénarios, ainsi que pour sa mise en scène très "graphique" et colorée. Il nous offre ainsi quelques très beau moments où le plaisir de cinéma tient de l'affect visuel ou de la réplique qui fait mouche. Les acteurs s’en sortent très bien. Pénélope est une fois de plus magnifique. Cela fait maintenant un petit temps que j’ai vraiment de l’admiration pour son talent et son électrisante cinégénie. Le problème, et c’est con à dire, c’est l’histoire. Elle est certes bien racontée, mais je n'ai simplement pas réussi à la trouver initéressante. Je ne me suis pas ennuyé, mais je n'ai pas été ému une seule seconde. A ce titre, on est loin, très loin de Parle avec elle, son dernier chef-d'oeuvre.

- Angels & Demons, de Ron Howard. Sans les échos que ce n'était pas aussi pourri que le nullissime Da Vinci Code (et ce n'est effectivement pas le cas), je n'y serais pas allé. Ron Howard a dû bien comprendre que ce dernier était mou du zizi, et du coup il a tout fait pour redynamiser le bazar. Un peu trop, d’ailleurs. Le rythme est trépidant, mais la mise en scène est légèrement ampoulée par sa caméra trop mobile (les tourniquets autour des personnages qui parlent, ça va 5 minutes), et le compositeur Hans Zimmer est tombé dans la lourdingue caricature de lui-même. Mais il y a quelque chose d’assez mignon de voir tout ce petit monde essayer de nous passionner pour cette histoire pas franchement passionnante. Et étrangement, on se laisse prendre au jeu – car c’en est un: un jeu de pistes avec énigmes et symboles, et Tom Hanks qui trouve réponse à tout mais qui n'arrive pas toujours à temps. J’ai bien aimé le côté bombe à retardement du scénario. Il y a quelques scènes sympa (dans les archives, le crime du « feu », la scène de la fontaine), et le climax avec l’hélicoptère est assez spectaculaire. Les 20 minutes qui suivent en pâtissent un peu, et j’ai moyennement cru à l’ultime rebondissement *c’était luiiiii*. Mais bon. Les effets spéciaux ont fait du gros travail. Hormis quelques effets trop visibles, c'est impressionnant de voir le Vatican reconstitué. Tom Hanks est moins moche et moins mauvais que dans Da Vinci Code, Ewan McGregor est tout bon (de toute façon je l’aime), le méchant est un bon choix, mais Stellan Skarsgard s’enferme une nouvelle fois dans le MÊME RÔLE. Quant à la Langdon Girl, elle fait effectivement moins godichon qu'Audrey Tautou, mais elle passe trop inaperçu. On ne la voit pas. Bref, cet Anges et Démons est franchement dispensable ("le livre est super bien", me dit-on), mais en l’état c’est un honnête divertissement, complètement invraisemblable mais bien mené, lourdingue mais plutôt attachant. Sympa.

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