dimanche 24 février 2008

Sang et or noir

Daniel Day-Lewis, Oscar du Meilleur Acteur, et Paul Thomas Anderson.

L’impression de m’être fait passer dessus par un rouleau compresseur. Nous sommes seulement en février, et nous avons là, très probablement, le film de l’année. There Will Be Blood, nouveau film très attendu de Paul Thomas Anderson (Boogie Nights, Magnolia), est bel et bien le chef-d’œuvre annoncé... et espéré. Librement adapté du roman d’Upton Sinclair (« Oil ! »), There Will Be Blood retrace l’ascension, sur trente ans, de Daniel Plainview, un prospecteur de pétrole. Les affaires marchent bien, mais l’homme est un ogre misanthrope, cupide et mesquin. Il a soif d’argent et de pouvoir, et ne supporte pas la concurrence. Les conflits (avec les autres, avec lui-même) ne cesseront de s’accumuler et de s’intensifier. Si ce titre est idéalement choisi, c’est parce que ce sang, qui finit bien sûr par couler, coule encore aujourd’hui. Depuis le début de l’industrie pétrolière, l’or noir fait couler le sang rouge. Rien n’a changé.
Paul Thomas Anderson n’appuie pas la métaphore, et ne s’attarde pas non plus sur la description technique ou financière de l’industrie en elle-même. L’essentiel ici, c’est le drame humain, terrible, vécu par le protagoniste. Pour incarner cet ogre du pétrole, il fallait bien un ogre de cinéma, à la mesure du personnage. C’est une évidence dès les premières minutes : aucun autre acteur que Daniel Day-Lewis n’aurait pu incarner Plainview. Ce que l’acteur a fait là est insensé. Surréaliste. Il ne joue plus, il EST le personnage. Proprement démente, sa performance fait partie de celles qui marquent à jamais l’histoire du cinéma, à l’indélébile (rouge ou noir, au choix). Il dévore l’écran. Et c’est sans compter la force exceptionnelle des images en elles-mêmes. Epaulé par la photo époustouflante de Robert Elswitt, la mise en scène de PTA électrifie de par sa précision et sa magnificence. Il faut voir ces plans-séquences, ces cadrages iconiques, ces face-à-face tendus, ce derrick en flammes, cette pluie de pétrole, ces visages colorés par les effusions de sang ou de pétrole. Le soleil, la terre, le feu, les ombres, les visages, tout semble suinter. A ces images, fantastiques, s’ajoute une bande son inoubliable. Confier la musique à Jonny Greenwood (guitariste génial de Radiohead), fut en soi une idée de génie. Sa musique, faite de violons flirtant avec la dissonance et de percussions diaboliques, donnent au film un caractère opératique totalement inattendu (vous en aurez un aperçu dans la bande-annonce ci-dessous). Organique, animale et anxiogène, elle rajoute une tension supplémentaire aux images, une émotion supplémentaire à cette tragédie.
L’heureuse conjugaison de tous ces talents, inouïs, fait de There Will Be Blood une fresque pétrifiante de noirceur, aux accents lyriques, baroques, monstrueux, parfois grotesques. Hallucinant spectacle et drame à la folie furieuse, There Will Be Blood est une œuvre monumentale comme j’en ai rarement vu, un film purement et simplement exceptionnel, qu’il serait fort dommage de rater sur grand écran.

2 commentaires:

Ju a dit…

Ce film n'a pour référence que lui-même. Unique, dense et sans échappatoire, "There Will Be Blood" est un tunnel filmique dont je n'ai toujours pas aperçu la fin...
Selon mon humble avis, PTA signe là l'oeuvre de cinéma la plus importante de ces cinq dernières années.

PS: Je te phone demain nono, suis pas chez moi et mon téléphone est plat ;)

Arnotte a dit…

Haha j'en étais sûr que t'allais aimer... Unique, le film l'est assurément. Un classique instantané quoi.
Ce soir OSCAR NIGHT! Si Daniel ne gagne pas, je mange mon ordi (et je me filme).