jeudi 27 décembre 2007
Season's greetings
Voilà, c'est la saison des voeux à offrir, à recevoir, à partager... A ceux qui liront ce message, mais surtout à tous ceux qui me sont chers, je souhaite une merveilleuse année 2008, pleine de joies, de tendresse, de surprises, de rencontres, de réalisations, d'amitié... Bref, tout le bonheur du monde, à volonté et à votre sauce. N'oubliez pas les bonnes résolutions: même si on n'en tient jamais compte, ça donne bonne conscience.
lundi 17 décembre 2007
Des visages, des figures (et du couscous)
Il y a trois ans, Abdellatif Kechiche nous avait bluffés avec son Esquive, où l’on suivait les charmants marivaudages de jeunes de banlieues wesh wesh sur fond de création théâtrale. Cette confrontation de langages et ces jeux de l’amour et du hasard avaient conquis public et critique, avant de faire le carton plein aux Césars. C’est dire si son nouveau film était attendu. Et ça valait le coup d’attendre.
La Graine et le Mulet nous plonge dans la communauté immigrée de Sète. Lors de la première partie du film, on suit Slimane, ouvrier de 61 ans fraîchement licencié pour cause de non rentabilité. Personnage mutique et statique, il trouve réconfort auprès de la fille de sa maîtresse, la loquace et pétillante Rym (extraordinaire Hafsia Herzi). Pour l’instant, celle-ci ne fait que passer mais elle rayonne déjà de sa présence. Avant que leur projet ne devienne le cœur de l’intrigue (monter un resto sur un vieux bateau), le film prendra son temps pour nous présenter les personnages (la famille de Slimane et autres pièces rapportées), notamment lors d’un traditionnel dîner autour du fameux couscous au mulet, future spécialité du restaurant… Le réalisme des acteurs et des situations est tel que tout artifice cinématographique arrive presque à se faire oublier. On se croirait dans un documentaire. Pourtant, il y a quelque chose de pleinement cinématographique quand la caméra se plonge dans tous ses visages, quand on voit la fluidité du découpage… Un visage qui rit, un autre qui se lèche les doigts, un autre qui souffre en silence, un regard amoureux par-ci, un enfant aux yeux ébahis par là.
Le ventre du film se fait plus elliptique. Et la machine ne s’arrêtera pas, car l’aventure (monter une entreprise de restauration n’est pas une mince affaire) sera semée d’obstacles, de négociations, de confrontations, de conflits interpersonnels. Jusqu’à cette dernière demi-heure, qui nous plonge dans un suspense aussi banal qu’insoutenable, où il sera question de solidarité et de fatalité, de bêtise et d’espoir, de ventres et de couscous, de course contre le temps.
Le temps, cinématographique celui-là, Abdellatif Kechiche le maîtrise parfaitement. Souvent construites autour des visages et des regards, les scènes jouent sur la durée, utilisant le temps qu’il faudra pour nous faire ressentir tel sentiment, nous faire vivre tel confrontation, nous faire entendre telles paroles. Cette proximité auprès des personnages, c’est un pas plus loin dans la mise en scène du "vrai". Et, comme dans la vraie vie, le temps passe vite. Quand après 2h30 vient le générique de fin, on ne veut pas que ça s’arrête, on en redemande, on ne veut plus quitter Rym, Slimane, Karima, Olfa et les autres. Reste alors comme un regret de ne pas avoir pu leur dire au revoir. Un espoir de les retrouver un jour.
On en ressort bouleversé par cette tranche de vie qui regorge d’humanité, essouflé par la vitalité volcanique dégagée par le film. Solaire, prenant et terriblement attachant, Le Graine et le Mulet est un des meilleurs films de l’année. Rendez-vous en février pour les César.
La Graine et le Mulet nous plonge dans la communauté immigrée de Sète. Lors de la première partie du film, on suit Slimane, ouvrier de 61 ans fraîchement licencié pour cause de non rentabilité. Personnage mutique et statique, il trouve réconfort auprès de la fille de sa maîtresse, la loquace et pétillante Rym (extraordinaire Hafsia Herzi). Pour l’instant, celle-ci ne fait que passer mais elle rayonne déjà de sa présence. Avant que leur projet ne devienne le cœur de l’intrigue (monter un resto sur un vieux bateau), le film prendra son temps pour nous présenter les personnages (la famille de Slimane et autres pièces rapportées), notamment lors d’un traditionnel dîner autour du fameux couscous au mulet, future spécialité du restaurant… Le réalisme des acteurs et des situations est tel que tout artifice cinématographique arrive presque à se faire oublier. On se croirait dans un documentaire. Pourtant, il y a quelque chose de pleinement cinématographique quand la caméra se plonge dans tous ses visages, quand on voit la fluidité du découpage… Un visage qui rit, un autre qui se lèche les doigts, un autre qui souffre en silence, un regard amoureux par-ci, un enfant aux yeux ébahis par là.
Le ventre du film se fait plus elliptique. Et la machine ne s’arrêtera pas, car l’aventure (monter une entreprise de restauration n’est pas une mince affaire) sera semée d’obstacles, de négociations, de confrontations, de conflits interpersonnels. Jusqu’à cette dernière demi-heure, qui nous plonge dans un suspense aussi banal qu’insoutenable, où il sera question de solidarité et de fatalité, de bêtise et d’espoir, de ventres et de couscous, de course contre le temps.
Le temps, cinématographique celui-là, Abdellatif Kechiche le maîtrise parfaitement. Souvent construites autour des visages et des regards, les scènes jouent sur la durée, utilisant le temps qu’il faudra pour nous faire ressentir tel sentiment, nous faire vivre tel confrontation, nous faire entendre telles paroles. Cette proximité auprès des personnages, c’est un pas plus loin dans la mise en scène du "vrai". Et, comme dans la vraie vie, le temps passe vite. Quand après 2h30 vient le générique de fin, on ne veut pas que ça s’arrête, on en redemande, on ne veut plus quitter Rym, Slimane, Karima, Olfa et les autres. Reste alors comme un regret de ne pas avoir pu leur dire au revoir. Un espoir de les retrouver un jour.
On en ressort bouleversé par cette tranche de vie qui regorge d’humanité, essouflé par la vitalité volcanique dégagée par le film. Solaire, prenant et terriblement attachant, Le Graine et le Mulet est un des meilleurs films de l’année. Rendez-vous en février pour les César.
samedi 15 décembre 2007
Life and loss
Chaque chose a une fin… Ca y est, j’ai enfin terminé la cinquième et dernière saison de Six Feet Under. Après une saison 4 un brin décevante, cette saison 5 tient ses promesses d’excellence et clôt un beauté "une des meilleures séries de tous les temps" selon une foule de fans. Certes, tout n'est pas génial, n'importe quel fan avouera que tous les épisodes ne sont pas aussi bons, que telle ou telle saison est plus faible... Mais dans son ensemble, c'est un véritable chef-d'oeuvre. Pour ma part j’aime affirmer sans complexe que c’est la meilleure que j’ai jamais vue, puisque c’est aussi la SEULE que j’aie vue en entier. Plus sérieusement, outre les constantes réflexions philosophiques ou existentielles qu’offre le sujet traité (la mort, la vie), c’est du haut de gamme à tous les niveaux (et j’en vendais déjà les mérites ici : http://arnotteslair.blogspot.com/2007/09/six-pieds-sous-terre.html).
Mais là où la dernière saison bat tous les records, c’est au rayon Kleenex. Chaque intrigue suit son cours, chaque personnage poursuit son chemin, jusqu’à ce que soudainement, Thanatos flanque une raclée à Eros. Les Fisher côtoient la mort tous les jours (c’est leur métier), mais rien n’aurait pu les préparer à ce drame. Pour tout spectateur accro à la série, c’est un réel traumatisme. En fait, j’imagine mal vivre les trois derniers épisodes autrement qu’en pleurant comme un misérable. Moi qui suis très vite et très souvent ému devant un film, dans le pire des cas j'ai la gorge complètement nouée et certaines larmes débordent du balcon, mais jamais je n’avais eu de vrais sanglots. Des sanglots de bébé qui n’a pas eu sa glace. Ceux que tu fais dans ton oreiller, de peur que tes colocataires t’entendent. La fontaine, quoi. La faute à l’identification, à l’énorme attachement aux personnages – ce qui fut très intéressant (par son écriture, qui travaille sur la durée) de comparer avec le cinéma. Moi l’inculte en séries télé.
Si cette saison 5 marque profondément, c’est aussi tout simplement parce que c’est la fin. Il est temps de quitter tous les personnages. Nate et Brenda, Claire et Ruth, David et Keith, Rico et Vanessa… Et c’est dur. Alan Ball (scénariste d’American Beauty), pour aider le spectateur à faire le deuil de la série et des personnages qu’il aime tant, a alors imaginé un magnifique épilogue : un personnage quitte les siens et prend la route vers une nouvelle vie. En parallèle, une série de flash-forwards dit littéralement au revoir à chacun des personnages. Sur la chanson "Breathe Me" de Sia, c’est absolument bouleversant.
Bref merci à Alan Ball et tous ses potes d’avoir créé Six Feet Under. Merci à Ju de m’avoir prêté les DVD…
Et j’ai regardé chaque générique.
Mais là où la dernière saison bat tous les records, c’est au rayon Kleenex. Chaque intrigue suit son cours, chaque personnage poursuit son chemin, jusqu’à ce que soudainement, Thanatos flanque une raclée à Eros. Les Fisher côtoient la mort tous les jours (c’est leur métier), mais rien n’aurait pu les préparer à ce drame. Pour tout spectateur accro à la série, c’est un réel traumatisme. En fait, j’imagine mal vivre les trois derniers épisodes autrement qu’en pleurant comme un misérable. Moi qui suis très vite et très souvent ému devant un film, dans le pire des cas j'ai la gorge complètement nouée et certaines larmes débordent du balcon, mais jamais je n’avais eu de vrais sanglots. Des sanglots de bébé qui n’a pas eu sa glace. Ceux que tu fais dans ton oreiller, de peur que tes colocataires t’entendent. La fontaine, quoi. La faute à l’identification, à l’énorme attachement aux personnages – ce qui fut très intéressant (par son écriture, qui travaille sur la durée) de comparer avec le cinéma. Moi l’inculte en séries télé.
Si cette saison 5 marque profondément, c’est aussi tout simplement parce que c’est la fin. Il est temps de quitter tous les personnages. Nate et Brenda, Claire et Ruth, David et Keith, Rico et Vanessa… Et c’est dur. Alan Ball (scénariste d’American Beauty), pour aider le spectateur à faire le deuil de la série et des personnages qu’il aime tant, a alors imaginé un magnifique épilogue : un personnage quitte les siens et prend la route vers une nouvelle vie. En parallèle, une série de flash-forwards dit littéralement au revoir à chacun des personnages. Sur la chanson "Breathe Me" de Sia, c’est absolument bouleversant.
Bref merci à Alan Ball et tous ses potes d’avoir créé Six Feet Under. Merci à Ju de m’avoir prêté les DVD…
Et j’ai regardé chaque générique.
lundi 10 décembre 2007
jeudi 6 décembre 2007
lundi 3 décembre 2007
Voyage au bout de la nuit
Quand je vous disais que des bons films arriveraient en cette fin d'année...
Chaque année cinéma qui se respecte envoie quelques claques. Celles qui te laissent un peu groggy, voire carrément KO. Celles où tu restes encore vissé quelques minutes dans ton fauteuil après le générique de fin. Le dernier uppercut de 2007 est signé James Gray, cinéaste rare dont les deux premiers films (Little Odessa et The Yards) avaient laissé pantois de nombreux cinéphiles. Pour ma part, je découvre enfin son cinéma avec We Own The Night, son troisième film en 13 ans.
New York, 1988. Bobby a le cul entre deux chaises: d’un côté il mène une vie de fêtard "classe" qui gagne le respect dans une boîte de nuit réputée mais pas toujours bien fréquentée, de l’autre il se fait lorgner d'un oeil dépité par son père et son frère, tous deux dans la police. Quand la lutte anti-drogue se mue en guerre totale (les flics tombent comme des mouches), Bobby doit donner un coup de main. Et choisir choisir son camp. Ce sera pas simple. Et pas drôle.
Ca ressemble a priori à un énième film "flics & truands", mais c'est beaucoup plus que cela. Transcendé par une mise en scène pétrifiante de maîtrise et un script tout simplement parfait, le récit prend des allures de tragédie grecque: lyrique, opératique, tragique. Ces conflits familiaux douloureux, ces dilemmes étouffants, ces regards intenses... Il y a là une maturité incroyable dans l'exploration psychologique d'un récit somme toute assez classique.
Les talents regroupés sont indéniables: les acteurs méritent tous un prix d'interprétation (Joaquin Phoenix en tête), la musique est magnifique, la photo à tomber... Mais avant toute chose il y a le talent de James Gray, qui fait régner la justesse de ton, l'efficacité, la fluidité, la clarté, la profondeur. Il est arrivé à donner à son film une aura quasi miraculeuse, une beauté simplement prodigieuse, qui te prend et ne te lâche plus jusqu'au dernier plan. Un peu comme quand Clint Eastwood est en grande foforme. Tant de splendeur, moi ça me scie en deux.
A noter, aussi, que le film regorge de scènes d'anthologies, notamment une extraordinaire scène de poursuite en voiture sous la pluie, ou encore une scène d'infiltration à se pisser dessus d'angoisse.
Avec La Nuit Nous Appartient, James Gray a signé un film à la beauté terrible, d'une incroyable force... Un futur classique, sans doute. Un très grand film, incontestablement.
Chaque année cinéma qui se respecte envoie quelques claques. Celles qui te laissent un peu groggy, voire carrément KO. Celles où tu restes encore vissé quelques minutes dans ton fauteuil après le générique de fin. Le dernier uppercut de 2007 est signé James Gray, cinéaste rare dont les deux premiers films (Little Odessa et The Yards) avaient laissé pantois de nombreux cinéphiles. Pour ma part, je découvre enfin son cinéma avec We Own The Night, son troisième film en 13 ans.
New York, 1988. Bobby a le cul entre deux chaises: d’un côté il mène une vie de fêtard "classe" qui gagne le respect dans une boîte de nuit réputée mais pas toujours bien fréquentée, de l’autre il se fait lorgner d'un oeil dépité par son père et son frère, tous deux dans la police. Quand la lutte anti-drogue se mue en guerre totale (les flics tombent comme des mouches), Bobby doit donner un coup de main. Et choisir choisir son camp. Ce sera pas simple. Et pas drôle.
Ca ressemble a priori à un énième film "flics & truands", mais c'est beaucoup plus que cela. Transcendé par une mise en scène pétrifiante de maîtrise et un script tout simplement parfait, le récit prend des allures de tragédie grecque: lyrique, opératique, tragique. Ces conflits familiaux douloureux, ces dilemmes étouffants, ces regards intenses... Il y a là une maturité incroyable dans l'exploration psychologique d'un récit somme toute assez classique.
Les talents regroupés sont indéniables: les acteurs méritent tous un prix d'interprétation (Joaquin Phoenix en tête), la musique est magnifique, la photo à tomber... Mais avant toute chose il y a le talent de James Gray, qui fait régner la justesse de ton, l'efficacité, la fluidité, la clarté, la profondeur. Il est arrivé à donner à son film une aura quasi miraculeuse, une beauté simplement prodigieuse, qui te prend et ne te lâche plus jusqu'au dernier plan. Un peu comme quand Clint Eastwood est en grande foforme. Tant de splendeur, moi ça me scie en deux.
A noter, aussi, que le film regorge de scènes d'anthologies, notamment une extraordinaire scène de poursuite en voiture sous la pluie, ou encore une scène d'infiltration à se pisser dessus d'angoisse.
Avec La Nuit Nous Appartient, James Gray a signé un film à la beauté terrible, d'une incroyable force... Un futur classique, sans doute. Un très grand film, incontestablement.
Inscription à :
Articles (Atom)