mercredi 24 mars 2010

On a quoi, déjà, ce soir?

L'agenda est fort chargé, ces temps-ci. Petit mot sur les dernières sorties culturelles...

- Une expo intéressante:

Pas ce soir, chéri(e)?, à l'ULB, jusqu'au 30 mai.

Cette exposition, organisée par et à l'ULB, démontre en long et en large que notre sexualité a une histoire. Via une centaine (!) de panneaux explicatifs, illustrés par des visuels ou autres objets étonnants, l'expo retrace l'évolution de notre sexualité (en Europe occidentale), a travers différents prismes: familial, sociétal, médical, juridique, moral, culturel... L'expo répond ainsi à toutes les questions que l'on pourrait se poser à ce sujet ("but were afraid to ask", dirait Woody Allen) : Comment nos aieux faisaient-ils l'amour? Qu'est-ce que la syphilis? Comment l'Eglise voit-elle la sexualité, hier et aujourd'hui? Qu'était-ce vraiment la "révolution sexuelle"? De quand date le premier baiser au cinéma? *La masturbation rend-elle sourd?* Tout cela fut fort instructif. Seul bémol: la quantité de texte à lire, trop copieuse. Autant éditer un ouvrage qui regroupe l'ensemble des textes... *Ca rape moins les jambes.* Plus d'informations sur le site web.


- Deux pièces bien remuantes :

Les gens biens n'osent plus sortir le soir, de Jean-Claude Grumberg, au CC des Riches Claires, du 9 au 27 mars.

Quatre comédiens épatants (dont Stéphanie Van Vyve et Dominique Rongvaux), sept sketches pour établir une chronique de la xénophobie ordinaire. Tous ces personnages, aussi différents soient-ils, sont racistes sans même le savoir. Tous partagent cette même peur: la peur de l'autre. L'autre, c'est l'étranger, le rouquin (!), le bougnoule (sic), le gniouf, le juif, et j'en passe... Mais attention, Les gens bien n'osent plus sortir le soir est bien une comédie. Et on rit, beaucoup. Surtout au début. Puis on rit jaune. Au dernier sketch ("Rixe"), on se rend compte qu'on ne rit plus du tout. La comédie se transforme littéralement en drame. C'est drôle, grinçant, mordant. Un divertissement bien percutant qui pousse à la réflexion. A conseiller! Plus d'infos sur
le site web de Stéphanie et Dominique.

Contes à réchauffer, de et par Eric Durnez, à l'Espace Senghor.

Les Contes à réchauffer, ce sont un enchaînement de microfictions (en "je"), sans transition apparente, de durée variable. Drôles ou tristes, toutes sont colorées par une dose d'absurde, un soupçon de non-sens, un zeste de mélancolie. Certaines se répondent par des thèmes similaires ou des personnages récurrents. D'autres paraissent brusquement interrompues. Un délicieux moment, qui fut l'occasion de décourvrir un comédien/auteur savoureux: Eric Durnez.



- Quatre films, par ordre de préférence :

Lebanon **, de Samuel Maoz (Lion d’Or Venise 2009)
Contexte : 1982, Guerre du Liban. Les 89 minutes des 90 que dure Lebanon se passent dans un tank israélien. A l’image, nous avons cette poignée d’hommes tétanisés par la peur (sans rentrer dans les détails, leur situation est extrêmement critique). Les seules images de ce qui se passe à l’extérieur est vu à travers le viseur. A l’intérieur, les hommes doivent garder leur sang froid pour se tirer du pétrin.
Les gros plans sur ces visages renforcent la sensation d'emprisonnement. Les émissions des différents fluides corporels (pisse, sueur, larmes) accentuent le caractère animal du tank, devenu en quelque sorte la métaphore de cette guerre qui engloutit les hommes dans ses entrailles.
Brillamment réalisé (superbe travail sur le son), Lebanon est un huis-clos osé et maîtrisé qui parvient à éviter le piège du film à pitch (s’effacer derrière son concept). Une belle variante au sublime Valse Avec Bachir.

Crazy Heart **, de Scott Cooper
C’est l’histoire de Bad Blake, un chanteur de country dont la carrière est sur le déclin. Il joue ses vieux succès dans des cafés minables et des bowlings. Pour nouer les deux bouts, il accepte de faire la première partie d’un jeune chanteur en pleine gloire, autrefois jeune poulain à qui il a tout appris. Alcoolique, Blake se bousille la santé. Une jeune journaliste (Maggie Gyllenhaal), dont il tomba amoureux, l’aidera, non sans heurts, à reprendre sa vie en mains.
Le début est troublant : on dirait que le Dude s’est trouvé un job. Crazy Heart, c’est surtout le plaisir de revoir Jeff Bridges dans un rôle écrit sur mesure, un beau rôle à la hauteur de son talent. Son Oscar est évidemment un Oscar "de carrière" (comme je les appelle), mais il est effectivement impérial, ici. Grâce à lui, Crazy Heart se regarde sans déplaisir. Certes, il y a la BO country concotée par T Bone Burnett (au chant, Bridges a un air de famille avec Clapton), mais le script est un rien trop mollasson (romance faiblarde, dialogues moyens). Cette retenue dans le drame est sans doute voulue, mais le film aurait pu par moments retirer ses charantaises. Humble, Crazy Heart n’en demeure pas moins attachant et agréable.
Juste un détail qui m’énerve : pourquoi donc "uncréditer" Colin Farrell (absent de la promo, du générique, etc.) ? Si c’est pour ménager un quelconque effet de surprise, je trouve ça poseur.

Precious : Based on the Novel Push by Sapphire **, de Lee Daniels
Precious, 17 ans, n’a pas beaucoup de chance dans la vie. Noire et obèse, elle subit beaucoup de réprimandes et autres discriminations. Elle sait à peine lire et écrire. Pour la deuxième fois, elle est enceinte suite aux assauts incestueux de son père. Son premier enfant est trisomique. Sa mère, folle de jalousie de s’être fait piquer son mec (!) l’insulte et la bat. Pour se protéger, elle s’enferme dans un mur de silence, et rêve en cachette d’une vie de star. Renvoyée de l’école, Precious découvrira une école alternative où elle rencontrera des gens qui l’aideront à avoir une vie meilleure. Comment éviter le misérabilisme poisseux avec un pitch pareil ? Surtout, comment rester crédible ? Grâce à un scénario habile et des comédiens épatants (dont Mariah Carey et Lenny Kravitz, méconnaissables) Lee Daniels y arrive, sans (trop de) mièvrerie. Malgré la difficulté du sujet, le drame est assez digne et finalement touchant. J’ai plus de réserves avec certains choix esthétiques (dont une direction musicale assez incongrue), mais en l’état, ce Precious vaut qu’on lui donne sa chance.

Alice in Wonderland °, de Tim Burton
Je me souviens encore du temps où je considérais Tim Burton comme mon réalisateur préféré. C’était il y a une douzaine d’années. Les choses ont bien changé. Hormis le beau Big Fish, les années 00 du Burton étaient tout sauf passionnantes. Il y a d’abord eu La Planète des Singes, un joli foutage de gueule. Il y a aussi eu Charlie et la Chocolaterie et Les Noces Funèbres, sympathiques mais déjà oubliés. Puis ce Sweeney Todd, comédie musicale et sanglante, une bien pénible séance. J’avais retrouvé espoir avec les premières images d’Alice aux Pays des Merveilles. Pas que le projet m’emballait, loin de là, mais la promo avait bien fait son boulot. Puis est venue cette bande-annonce avec pour héros le Chapelier Fou (Depp), puis les premiers échos critiques, catastrophiques, puis l’unanimité sur une 3D qui n’apportait rien… Lors du visionnage (en 2D donc) le peu d'espoir qui me restait a vite été anéanti. Quand l’ennui commence à (rapidement) pointer du nez, on se demande ce qu’il y a de plus triste : que le film soit bousillé par un scénario proprement désastreux, ou tout simplement que Tim Burton n’ait plus rien à dire, plus rien à raconter. En tant que cinéaste, c’est assez douloureux de le voir s’enfermer dans l’image que les gens ont de lui, de le voir commettre des œuvres aussi désincarnées pour Disney. L’oncle Walt aurait quelques sueurs froides en voyant cette adaptation chiante, pas drôle et même effrayante pour les enfants (on y voit de grosses bestioles qui hurlent et qui bavent). Le ratage est d’autant plus dommage que visuellement, le film ne manque pas d’idées et de prouesses techniques. En somme, les choses sympathiques que je retiendrai, ce sont les petits animaux, forts réussis : Le chat Cheshire, la chenille fumeuse, le lapin blanc. Et un chien, aussi. Johnny Depp, je n'ai rien à dire... Il fait son job. L’ennui, c’est qu’il se ridiculise dans une scène de danse, à la fin, franchement embarrassante (limite tecktonik). Et Avril Lavigne qui gueule sur le générique de fin… au secours.
Bref, je pense franchement que c'est le Burton le plus inintéressant vu à ce jour.

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