lundi 16 février 2009

L'ombre d'un doute

- La Moustache d'Emmanuel Carrère est un roman qui rend fou. Ce qui est plutôt flatteur, pour un roman qui offre une réflexion sur la folie. Le pitch est connu: un type rase un jour la moustache qu'il portait depuis dix ans. Sauf que personne ne le lui fait remarquer. Personne ne semble le remarquer. Personne ne l'a remarqué. Exclusivement racontée du point de vue de l'ex-moustachu, la situation est retournée dans tous les sens. Au début il croit à une blague, puis à un improbable canular pas drôle, puis à une énorme conspiration visant à la rendre fou, puis à la folie de sa femme, puis à la sienne. Sauf que le problème n'offre aucune issue. "Mais... Tu n'as jamais porté de moustache", lui répète-ton inlassablement. Suite à d'autres événements similaires ("Mais... Ton père est mort il y a un an.", "Mais... Nous ne sommes jamais partis à Java.", etc.) Le héros n'a d'autre choix que de prendre la fuite, se déconnecter à tout prix des réalités qui l'ont accompagné toute sa vie. Même s'il est aisé de se réfugier dans l'explication fantastique (des pans de réalité s'estompent, tels des bugs dans la Matrice), le lecteur est le vrai fou de cette histoire, mené en bateau par l'auteur qui ne prend pas position, torturé par cette histoire qui finit forcément affreusement mal.


Cela m'a donné envie de revoir le film (réalisé par Emmanuel Carrère lui-même), avec Vincent Lindon dans son meilleur rôle. Et l'excellente Emmanuelle Devos dans le rôle de l'épouse désemparée.



- Doubt est une pièce de théâtre ayant reçu pléthore de récompenses, dont des Tony et le Pulitzer. Aujourd'hui c'est un film, et c'est John Patrick Shanley, l'auteur de la pièce, qui s'est lui-même attaqué à l'adaptation. Non que je veuille décourager ce cher monsieur à faire du cinéma, mais c'est précisément la mise en scène qui ternit un petit peu l'éclat de cette brillantissime pièce. Le texte, passionnant de bout en bout, retrace un solide bras de fer psychologique entre une nonne directrice d'école et un prêtre brillant, accusé d'attouchements sur mineurs. L'une est convaincue mordicus qu'il est coupable, pas de doute. L'autre proclame haut et fort sa bonne foi, mais ses aspirations à une Eglise ouverte (nous sommes en Angleterre, sixties) sont mal reçues. Deux rôles en or massif dont profitent pleinement Meryl Streep, une nouvelle fois époustouflante (c'est incroyable) et Philip Seymour Hoffman, forcément fabuleux. Les seconds rôles sont également épatants. Tous sont nommés à l'Oscar.
D'autant plus dommage que la mise en scène soit si dépourvues d'idées. De bonnes idées, je veux dire. La surprésence de la météo orageuse, par exemple, n'était pas nécessaire pour souligner l'intensité du drame. Et ce ne sont pas les noms de prestige au générique (Roger Deakins à la photo, Howard Shore à la musique) qui feront illusion. L'excellent Frost/Nixon, si je peux me permettre la comparaison (dans le genre "adaptation de pièce de théâtre avec duel psychologique" s'en sort beaucoup mieux à ce niveau-là. Mais ne boudons pas le plaisir: Doubt reste un régal qui laisse bouche bée et gorge nouée.


- The Wrestler, c'est plutôt pas mal non plus. Virage à 180° pour Darren Aronofsky, qui délaise son style très pictural (Requiem for a Dream, The Fountain) au profit d'une approche quasi Dardennienne d'une simple histoire d'un catcheur has-been au bout du rouleau. Il a une opportunité de revenir sur le devant de la scène, mais ses problèmes cardiaques le lui déconseillent fortement. Le pauvre homme a également des problèmes de coeur: il aimerait se faire aimer d'une strip-teaseuse (éblouissante Marisa Tomei) et ne pas se faire haïr par sa fille (Evan Rachel Wood).
La simplicité de l'histoire (non, il n'y a rien de plus que ce qu'on voit dans la bande-annonce) est aussi sa force. Si au catch tout est chiqué, rien de l'est hors du ring. Le film sonne juste, est touchant et s'arrête au bon moment. Grâce entre autres à la performance de Mickey Rourke, qui crève littéralement l'écran. Un come-back fracassant que devrait venir couronner un Oscar.



- CINEMATEK #2: Wanda, de et avec Barbara Loden. Wanda est une paumée qui a abandonné ses enfants et son mari. Elle n'a absolument aucune estime d'elle-même, mais a décidé de ne pas trop s'en faire malgré la misère qui pointe. Elle tombe sur un escroc au bout du rouleau. C'est un vrai connard, mais elle le luit dans sa cavale. Ca ne finit pas bien pour lui. Pour elle, on se fait sérieusement du souci. Le dernier plan, figé, donne un pincement au coeur. C'est un des plus beaux moments de cette errance désabusée, offrant quelques beaux passages, mis en scène avec un sécheresse parfois gracieuse. Pour le reste, j'ai malheureusement du lutter contre le sommeil et l'ennui.


- Du sommeil, il m'en faut. Pas le temps de m'ennuyer avec mon boulot chronophage et mes répétitions qui s'accumulent, mais le reste du temps libre (l'alimentation de ce blog en fait partie) empiètent un peu trop sur mes heures de sommeil.
Je ne regrette pas l'incroyable soirée de samedi soir qui a fini dans le n'importe quoi éthilique, mais quand le lendemain j'étais à deux doigts de tomber dans les pommes après la note finale du Carmina Burana, je me suis dit que j'allais devoir me ménager.

Aucun commentaire: