dimanche 23 septembre 2007

L'Enfant


Roumanie, 1987: rien n'est simple. Si dégotter le bon fournisseur de clopes sur le marché clandestin ou tromper la controleuse de tram est faisable, aider sa co-chambreuse à avorter est une autre paire de manche. Mais c'est ce qu'a promis Ottilia, la débrouillarde, à Gabita, qui l'est beaucoup moins. Et leur amitié sera soumise à l'épreuve. De cette histoire, très simple, Cristian Mungiu tire un surprenant suspense dont la tension s'accroît de scène en scène. Ce suspense est taillé à l'échelle humaine, car le scénario s'en tient à sa simple situation dramatique sans la surcharger, et se concentre sur le parcours de combattant de l'héroïne, qui n'est pas (excellente idée) celle qui veut avorter, mais celle qui est déterminée à l'aider. Les conflits dramaturgiques qui parsèment son parcours sont si simples, si quotidiens, que la cruauté de la société décrite (oppression, paranoïa, morosité) n'en est que plus terrible. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, 4 mois, 3 semaines et 2 jours (pas besoin de vous expliquer le titre) n'est pas un film sur l'avortement, mais sur nos choix individuels, au sens large, qui se trouvent étouffés, vampirisés et compromis par une société ou la liberté s'est évaporée en utopie.
A l'aide d'une remarquable direction d'acteurs et d'une mise en scène implacable faite de plans très longs (fixes ou à l'épaule), le film nous happe dès le début et nous scotche littéralement à notre fauteuil jusqu'à ce dernier regard final, terrible, et coupé cut sur le noir du générique, à la manière des Dardenne. La référence aux cinéma des frères compatriotes s'étend d'ailleurs au film tout entier: pas un pet de musique, un gros travail sur le son hors-champ, un réalisme extrême dans les images et les situations, et des personnages vrais, faits de chair et d'émotion. D'émotion retenue: Cristian Mungiu refuse le mélodrame ou le chantage lacrymal (je n'ose imaginer ce qu'en aurait fait un Lars on Trier). Larmes ravalées, la gorge en est d'autant plus nouée. Fort et dur (enfant NON admis), prenant et maîtrisé... 4 mois, 3 semaines et 2 jours, n'a pas volé sa Palme d'Or.
Un des films de l'année, vivement recommandé par votre serviteur.

3 commentaires:

Ju a dit…

Excellent papier l'ami!
Je m'y précipite une fois de retour à Bruxelles...

Arnotte a dit…

Merci man! J'espère que t'aimeras... Grosse déception en tout cas pour "Hot Fuzz"... Vraiment moins bon que "Shaun of the Dead". Moi qui m'apprétait à poster un papier sur Simon Pegg et Nick Frost!

Anonyme a dit…

parce-que je ne pouvais pas ne pas faire de commentaires après avoir vu le film... mais la plume du maître a parlé à ma place. Alors, que dire de plus? Hum...bon..bin.. dans ce cas ci, ce sera:
Pas de "ouf", quelques "aïe", un très long "gggglllouups", et pour finir un gros "humpfffff"....
A bon entendeur!

petit conseil: préparez vos bisounours pour après le film.