vendredi 12 septembre 2008

Travail de mémoire


Valse avec Bachir est donc un film sublime. Le film avait fait sensation à Cannes, mais a été snobé par le jury – injustice simplement incompréhensible pour ce film qui fait date. Une date, car le film semble être le premier “documentaire d’animation” (et le premier film d’animation israélien de surcroît). Le réalisateur Ari Folman a participé à la guerre du Liban en 1982, ainsi qu’à l’effroyable massacre à Sabra et Chatila. Des souvenirs épouvantables que sa mémoire avait refoulés. Dans Valse avec Bachir, Folman retrace comment il a exploré sa mémoire et fait rejaillir ses souvenirs de guerre, via les témoignages des autres vétérans, et avec l’aide d’un psychanalyste.
Le recours à l’animation, foncièrement originale, trouve toute sa justification: d’une part, elle permet de mettre en images les récits de souvenirs racontés par les intervenants (ainsi que certaines séquences oniriques hallucinantes), et d’autre part, elle incarne le décalage même que le mémoir
e peut avoir par rapport à la réalité des faits. Le résultat de ce parti pris osé offre une intensité émotionnelle inédite, et s’avère une superbe réussite esthétique. L’éblouissante beauté graphique de l’oeuvre est à couper le souffle et lui confère une profonde sensorialité. La rigidité occasionnelle de l’animation s'inscrit dans le caractère épuré du film et ne fait que refléter celle de la mémoire, qui sait se faire sélective, sporadique, refoulée. Par tous ces égards, la forme du film colle idéalement parfaitement à son fond. Soulignons aussi la très belle musique de Max Richter.
Valse avec Bachir n’est pas sans rappeler l’excellent Persepolis – outre la forme animée – par sa manière de partir d’un récit personnel et subjectif pour évoquer de plus larges questions, humaines ou géopolitiques, et pour retracer une sombre page d’Histoire. L’épilogue, qui quitte un court instant la représentation animée, renvoie le spectateur à l’horrible réalité des faits, et le cloue une ultime fois à son fauteuil. Il faut compter les bouches bée durant le générique de fin.
Par la singularité de son projet (qui brouille les limites entre fiction et documentaire et élargit celles de l’animation), par son intelligence et sa grande force émotionnelle, Valse avec Bachir est un des grands films de cette année, à ne pas manquer.


- Be Kind Rewind n’est déjà plus à l’affiche! Une seule petite salle en Flandre le joue encore. Chaque année sont lot d'aberrations dans la distribution..

- Bon, l’info est un peu périmée, mais l’exploit inscrit dans l’histoire. Mon copain Roger a prouvé qu’il était loin d’être mort. Une victoire qui réjouit ...et qui soulage. 2008 n’était jusqu’ici pas très glorieux pour le Suisse. Allez, plus que deux victoires en Grand Chelem et le record de Sampras est battu!


- Elbow, dont j’ai déjà beaucoup parlé en ces murs, a remporté le prestigieux prix Mercury 2008 (le meilleur de la musique britannique et irlandaise), pour leur album “The Seldom Seen Kid”, chef-d’oeuvre sorti au printemps. Espérons que ça les propulse encore un peu plus dans les oreilles du grand public.

- Je souhaite bon vent à mon vieux pote O., qui s’en va à Londres pendant un an, effectuer une formation d’un an en documentaire. Que son séjour soit riches en rencontres, expériences et émotions en tout genre.

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