jeudi 29 janvier 2009

Ashes to ashes


- La route, de Cormac McCarthy, est un de ces romans dont on se remet difficilement. Bouleversé par le fond, étourdi par la forme, époustouflé par le génie de l'auteur. En deux mots: Une homme et son jeune fils sont sur la route. L'apocalypse a eu lieu, il y a dix ans de ça. Apocalypse dont on ne saura rien, sauf sont résultat: la Terre est littéralement réduite en cendres. Plus une trace de vie animale ou végétale. Les couleurs se sont éteintes dans la gamme de gris de ce décor de désolation. Le soleil caché en permanence par l'atmosphère de cendre. Tels deux survivants de l'enfer, "l'homme" et "le petit" marchent vers le Sud, afin de fuir le froid mortel de l'hiver. Ils tenteront de survivre des restes de nourriture qu'ils trouveront par chance. Ils rencontreront d'autres survivants. Les "méchants" ne sont que des barbares, les "gentils" des chiens perdus sans collier. Tous affamés. L'homme ne vit plus que pour son fils, seule chose qui le rattache à la vie. Le fils n'a pas connu la vie d'avant.
Dans un monde sans vie, il n'y a plus d'histoire à raconter. Récit d'errance, La route n'a pas d'intrigue mais une myriade de micro-fictions. L'ecriture se débarrasse de toute psychologie ou de philosophie à deux francs. Dans un monde sans vie, il n'y a plus de quoi penser. Ainsi, McCarthy s'en tient à la pure description, extrêmement détaillée et archi-réaliste, de ce monde dévasté, du quotidien de l'homme et de son fils. Les nuits dans les ténèbres glacées. La misère. La maladie. La souffrance. La peur. L'étincelle d'espoir qui t'interdit d'abandonner. Continuer à tout prix. Nous portons le feu.
La route, prix Pulitzer 2007, est un monumental chef-d'oeuvre qui t'arrache les tripes et te transperce le coeur.


- Death in Venice de Benjamin Britten, au Théâtre de la Monnaie. A la Monnaie, ils ont les moyens: mise en scène absolument grandiose et distribution de haut de gamme (respect pour le ténor dans le rôle d'Aschenbach). Un très très beau spectacle, même du sixième balcon. La toute dernière scène fut simplement magnifique. *Ah, ce fondu au noir!* Le hic, ce fut la musique. Moi qui n'ai aucun d'a priori sur la musique moderne, là j'ai eu un blocage. Hormis quelques fulgurences (notamment avec les choeurs), rien n'est passé. Aucun thème marquant, aucune mélodie qui vient courtiser les oreilles... Pour un opéra, je trouve ça gênant. Mais bon, pas de quoi gâcher le plaisir.
Curieux de voir ce que Visconti en avait fait (de la nouvelle de Thomas Mann). *paraît qu'au moins là ya du Mahler*


- Revolutionary Road est une déception. Comme quoi, une somme de talents ne suffit pas toujours. Kate Winslet et Leonardo DiCaprio, qui *comme tout le monde le sait* fêtent ici leurs retrouvailles après Titanic, n'ont plus rien à démontrer de leur talent d'acteurs. Ils sont excellents. Sam Mendes filme avec grande classe, Roger Deakins est le boss. C'est l'histoire d'un couple typique de ces suburbans des années 50, censés représenter le succès de l'american dream. Emprisonnés dans ce moule sociétal, toute tentative d'y échapper (et de vivre la vie dont ils rêvent) est vouée à l'échec. C'est la crise, c'est la dérive, c'est le cauchemar.
Si le roman de Richard Yates reste d'actualité aujourd'hui par les questions qu'il pose sur le couple et la notion de liberté dans le couple, l'adaptation de Sam Mendes (qui a quand même réalisé deux grands films: American Beauty et Road to Perdition) ne fonctionne pas comme elle aurait pu. Au lieu d'être subtile, elle est lourdingue. Chaque intention est surlignée au Stabilo, tout est psychologiquement et sociologiquement surexpliqué. Le personnage de Michael Shannon (spécialiste des seconds rôles perturbants) incarne exactement cette volonté de tout expliquer, au cas où l'on aurait pas bien compris. D'où cette désagréable sensation de "faux", de "forcé". Surnagent alors quelques instants furtifs de grâce, de vérité, de petits moments où il se passe vraiment quelque chose sur la toile. Trop peu pour effacer le sentiment de déception.
Gros blâme public à Thomas Newman, compositeur de talent pour lequel j'ai beaucoup d'admiration (collaborateur attitré de Sam Mendes, mais aussi d'Andrew Stanton). Sa partition n'est ici qu'un patchwork de ces précédentes oeuvres, une triste caricature de lui-même.


- Valkyrie. Bryan Singer (The Usual Suspects, X-Men, Superman Returns), son scénariste et son monteur/compositeur (excellent John Ottman) se sont à nouveau associés pour s'attaquer à un gros morceau: retracer au plus près le plus gros (et le dernier) attentat contre Hitler par ses propres fidèles nazis. On sait évidemment comment ça se termine (un vrai fiasco). Le défi, au delà de la banale reconstiution des faits, c'était de rendre tout ça palpitant. Et c'est réussi. Parce que c'est rythmé comme du papier à musique, mis en scène avec poigne, écrit avec précision. Et nous avons un divertissement maîtrisé, brillament exécuté, indéniablement efficace. Tous ces allemands qui parlent anglais, on fait avec, mais un vrai point de vue, ainsi qu'un supplément d'âme et de réflexion, ça n'aurait pas été de refus. Un bon film, qui aurait pu être grand.
Tom Cruise est impeccable.

1 commentaire:

Chris a dit…

Je te rejoins complètement sur "La route".
Dans le genre post-apocalyptique,si tu ne l'as pas lu, je te conseille vivement Malevil de Robert Merle (j'peux te le prêter ayw)